Faut-il penser des bâtiments agiles ? Pourquoi rendre flexible un bien qui a toujours ou presque été considéré comme figé ?
“Penser réversible, c’est anticiper l’évolution d’un édifice avant même sa construction, pour alléger au maximum les adaptations et leur coût, lors de sa transformation” écrit .
Patrick Rubin, du collectif Canal architecture, dans l’ouvrage Construire réversible en février 2017[1]
“Dans trente ans, La Défense sera une friche” déclarait la sociologue et anthropologue Sonia Lavadinho[2].
Environ 200 à 300 classes « grand maximum » en milieu rural fermeront pour la rentrée prochaine, a déclaré 5 mars 2018 sur France Interle ministre de l’Éducation, assurant que l’on « ouvrait plus de classes que l’on en fermait ».
L’éducation Nationale ouvre et ferme des classes, des écoles, tous les ans pour s’adapter aux migrations et aux évolutions de la population française.
Conjoncturellement, la décision du chef de l’Etat de doubler les classes primaires dans les zones d’éducation prioritaire amplifie ce mouvement de création de nouvelles classes.
Les collectivités ont dû relever le défi de construire de nouveaux bâtiments en un temps très court. La programmation a toute son importance. Si la seconde vie de ces classes n’est pas anticipée, dans quelques années, lorsque – inévitablement – ces classes fermeront, elles constitueront à leur tour des friches. Les maires doivent construire des bâtiments agiles.
Les “jeunes” seniors imaginent qu’ils sont toujours jeunes et rejettent les habitations adaptées aux personnes handicapés car jugées trop stigmatisantes. Deux enquêtes de 2005[3]font ressortir que 4% des personnes âgées envisagent l’habitat spécifique comme une solution pour elles. Pourtant, à un certain âge, les seniors n’ont plus d’autre solution que d’adapter leur logement ou partir en résidence spécialisée. L’adaptation du logement entraîne alors des travaux, parfois lourds, d’amélioration permettant au senior de conserver son logement. Temps long, déchets, pollution, coût élevé, la liste des contraintes est longue.
Le logement des personnes[4]en perte d’autonomie est un sujet d’actualité non suffisamment résolu.
Vieillir chez soi une volonté très forte, tout âge confondu ; mais la crainte du déménagement persiste car il est vécu comme une étape traumatisante.
Il n’y a pas d’anticipation du vieillissement…donc pas de déménagement « choisi ».
Si le déménagement a été effectué, c’est pour des raisons « subies » liées à la fragilité parce dans une logement ancien trop grand et plus adapté ou pour des raisons de solitude.
« Les résidences seniors, nouvelles sur le marché, reviennent de plus en plus dans la bouche des élus, qui ont compris qu’il manquait une offre entre le béguinage et l’EHPAD.»
La voix du Nord. Par Isabelle Mastin | Publié le 26/08/2017
Le marché des seniors reste encore à être exploité et pour cause : fin 2012, seulement 380 résidences seniorssont recensées contre 7000 établissements pour personnes dépendantes (EHPAD[5]) selon l’analyse de Xerfi-Percepta.
Quoiqu’il en soit, le développement des résidences seniors en France ne va cesser de s’accroître. La barre des 900 résidences devrait être franchie avant 2020, alors que ces résidences n’étaient que 500 en 2014»[6]
Les migrations sont encore uniquement politiques et économiques.
L’Europe entière vit depuis les Printemps arabes de 2011 et les conséquences qui ont suivi de profonds changements, avec des vagues migratoires importantes.
Si les chiffres officiels de l’Union Européenne font état de 4,7 millions de migrants en 2015[7], les données officieuses parlent plutôt de onze à douze millions de personnes entrées en Europe. Au 1er janvier 2016, 35,1 millions de migrants vivent dans l’Union Européenne.
Ces personnes espèrent trouver un toit pour y vivre ce qui nécessite des services publics adaptés.
Dans quelques années, le réchauffement climatique forcera plusieurs centaines de millions de personnes à migrer. Dans un article paru dans l’Express le 1er novembre 2015[8], la journaliste Marie Simon évoque le chiffre de 250 millions de migrants climatiques, donnée provenant de l’ONU. l’IDMC (Internally Displacement Monitoring Centre) a calculé qu’ils sont déjà 83,5 millions recensés entre seulement trois années (2011-2014). Les catastrophes naturelles, comme les inondations et les tremblements de terre sont à l’origine de ces déplacements de population.
Dans quelques années, lorsque le niveau de la mer sera monté d’un mètre comme le calcule le GIEC d’ici la fin du siècle[9], la plupart de ces migrants auront quitté les côtes où ils vivent, pour se réfugier dans des zones moins à risque.
En France, presque toutes les régions côtières seront touchées. Les migrants ne seront plus des étrangers, mais des compatriotes.
L’immobilier d’entreprise vivra une révolution comme les vendeurs de voitures l’ont connue : le marché va tendre vers la location courte ou longue durée, comme les espaces de co-working. De charge fixe, l’immobilier d’entreprise va devenir une charge variable pour les entreprises. Le dirigeant louera son bâtiment, à la bonne taille, et pour la durée dont il aura besoin. Trop grand ? Il le fera rétrécir pour baisser son coût de loyer mensuel. Trop petit ? Il le fera agrandir afin de suivre sa croissance.
Les communes font déjà appel à des constructions démontables et remontables. Les gestionnaires de parcs immobiliers des grandes communes ont besoin de souplesse.
En 2018, la ville de la Garenne Colombes a bien compris ce parametre. La commune a commandé un bâtiment ayant la capacité à être démonté après quatre années d’exploitation comme lieu de recueillement dans un cimetière pour être démonté, transporté, et ré-assemblé à 200 kilomètres de son implantation d’origine pour le centre de loisirs et de vacances de la commune. Changement d’usage et changement de lieux d’exploitation.
La mairie de Paris fait de même. Elle a négocié avec les hôpitaux de Paris la location de quatre terrains pour six années de surfaces de foncier vierge afin d’installer des crèches temporaires… pour six ans. Dans les jardins du Luxembourg, une crèche provisoire est en construction pour deux ans. Le démontage de la crèche permettra son remontage sur un nouvel emplacement plus pérenne. Les crèches deviennent des bâtiments agiles.
Le gouvernement Philippe est en train d’édicter des directives qui impactent et impacteront les besoins en constructions, et, comme le montrent les schémas ci-dessous, ces besoins seront fluctuant, car immédiatement corrélés à la démographie donc aux effectifs de jeunes :
evolution de la population jeune par tranche d’âge
Evolution de la population concernée par le service national
Dans ces 2 cas de figure on constate deux arguments plaidant pour la construction de bâtiments agiles :
– un besoin rapide de constructions de qualité pour y loger des jeunes adultes ou des enfants.
– une variation significative d’effectifs sur les années à venir ; à la hausse puis à la baisse (-80 000 dans 10 ans) donc 4000 places en trop dans 10 ans. D’où la nécessité de déployer des solutions non impactantes, réutilisables pour d’autres fonctions, donc des bâtiments agiles…
centre d’accueil multi-activité de l’hopital trousseau
- [1]Construire réversible – Canal architecture avril 2017 – ISBN 978–2–9560319–0–1
- [2]Sonia Lavadinho, février 2017 lors de la semaine “Du quartier à la ville durable” de la formation du Mastère Spécialisé IBD
- [3]enquete Delphis – http://delphis-asso.org/– / enquete Isatis http://www.isatis.org
- [4]extraits de l’étude sénior « stratégic » de Cap résidence séniors
- [5]https://www.logement-seniors.com/ehpad.php
- [6]ehpa. Rapport-RSS 2016
- [7]https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Migration_and_migrant_population_statistics/fr
- [8]https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/bientot-250-millions-de-refugies-climatiques-dans-le-monde_1717951.html
- [9]http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/AR5_SYR_FINAL_SPM_fr.pdf